Dialogue avec les groupes armés en Ituri : une mascarade coûteuse au détriment des victimes ?(Analyse)

Ce lundi 23 juin, un nouveau dialogue s’est ouvert dans le territoire d’Aru, en Ituri, réunissant autorités politiques, militaires et groupes armés autour de la même table. Sur le papier, l’initiative vise à restaurer la paix dans une province profondément meurtrie. Mais à bien y regarder, cette démarche soulève de vives interrogations et alimente l’inquiétude au sein de la population congolaise.

Depuis plus de huit ans, l’Ituri est le théâtre d’une violence inqualifiable : plus de 15 000 morts, des milliers de veuves et d’orphelins, des familles disloquées. Dans ce contexte, comment justifier que l’État engage des négociations avec ceux qui ont tant de sang sur les mains ? Combien de dialogues faudra-t-il encore convoquer, sans résultats tangibles, sinon une facture toujours plus lourde pour les finances publiques ? Les participants, grassement indemnisés à chaque cycle, alimentent le scepticisme sur la réelle volonté de mettre un terme à l’insécurité.

Faut-il poursuivre le dialogue avec des groupes qui tuent ou adopter une stratégie plus ferme pour les neutraliser ? La question divise. Ouvrir la porte à ces acteurs armés ne revient-il pas à légitimer leurs exactions et à affaiblir l’autorité de l’État ? Face à eux, une armée congolaise forte et résolue ne devrait-elle pas reprendre l’initiative pour éradiquer ces foyers de violence ?

Et les victimes, dans tout cela ? Veuves, orphelins, familles brisées réclament justice. Comment leur expliquer que les bourreaux de leurs proches s’assoient librement à la table des pourparlers, sans la moindre reddition de comptes ? Quel message envoie-t-on à un enfant ayant perdu ses parents, lorsqu’il voit leurs assassins négocier en toute impunité ? Cette injustice entretient la rancœur et fragilise davantage encore la cohésion nationale.

Ce dialogue pose aussi la question de la temporalité : combien de temps encore faudra-t-il tolérer ces ennemis de la paix ? Combien de temps laissera-t-on les agresseurs dicter leurs conditions ? La patience des populations meurtries atteint ses limites, tandis que la confiance dans les institutions s’effrite chaque jour un peu plus.

En définitive, ce nouveau cycle de discussions en Ituri ressemble moins à une réponse à la gravité de la crise qu’à une opération politique aux relents opportunistes. La population attend des actions concrètes, une justice impartiale et le retour d’une sécurité durable. Pas des palabres sans fin qui ne produisent que désillusion et frustration.

Il est temps pour l’État congolais d’opérer un choix décisif : négocier avec des criminels ou protéger ses citoyens avec fermeté. Car la paix ne peut se construire sur des compromis avec la violence, mais sur la justice, la sécurité et la dignité retrouvée des victimes.

Rédaction

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