Depuis mai 2021, la province de l’Ituri vit sous le régime exceptionnel de l’état de siège, instauré par le gouvernement congolais pour tenter d’enrayer des décennies de conflits armés et d’insécurité. Quatre ans plus tard, le bilan de cette administration militaire reste sujet à débat, entre avancées revendiquées et défis persistants.
Le gouvernement provincial met en avant des succès notables, notamment la pacification de 80 % du territoire d’Irumu, la diminution des violences armées et le retour progressif des déplacés. Dans certaines zones comme Mambasa, la reprise des activités économiques témoigne d’une relative stabilisation. Les autorités assurent également avoir récupéré plusieurs localités autrefois sous contrôle des groupes armés, favorisant la libre circulation des biens et des personnes.
Cependant, ces avancées sont vivement contestées par la société civile, notamment dans le territoire de Djugu où les groupes armés restent actifs, maintenant plus d’un million de déplacés dans des camps. Depuis le début de l’année 2024, plus de 130 attaques ont été recensées, et l’insécurité demeure préoccupante sur des axes stratégiques tels que la route Bunia-Komanda.
L’état de siège a transféré la gestion des affaires civiles aux juridictions militaires, ralentissant le traitement des dossiers. Les tribunaux militaires, peu nombreux et insuffisamment équipés, peinent à répondre aux besoins des populations exposées à l’insécurité. Cette situation suscite des inquiétudes quant à l’équité des procédures et au respect des droits humains.
Des avancées ont toutefois été enregistrées, notamment l’asphaltage de routes urbaines à Bunia, la modernisation de l’université de Bunia et de l’aéroport de Murongo. Si ces projets offrent des opportunités pour le développement, ils ne suffisent pas à compenser les défis sécuritaires persistants.
Plusieurs acteurs politiques critiquent la gestion du régime militaire, estimant que l’état de siège a davantage favorisé les infrastructures au détriment de la sécurisation du territoire. Certains évoquent même un échec, soulignant l’émergence de nouveaux groupes armés et la persistance des violences. Le bilan humanitaire demeure lourd, avec plus de 2 000 civils tués, des centaines de blessés et kidnappés, ainsi que des milliers de maisons incendiées.
Face à ces constats, des voix s’élèvent pour réclamer la levée de l’état de siège, jugé inefficace. D’autres insistent sur la nécessité d’un rééquilibrage entre sécurité, justice et développement. Un rapport d’observateurs indépendants recommande notamment un renforcement des capacités judiciaires civiles, un meilleur accompagnement des victimes et une gestion plus inclusive de la paix.
Quatre ans après son instauration, l’état de siège en Ituri présente un bilan mitigé. Si certains progrès sont indéniables, la persistance des violences et la crise humanitaire continuent de fragiliser la province. L’avenir dépendra de la capacité des autorités à conjuguer fermeté sécuritaire et respect des droits, tout en répondant aux attentes des populations.
Rédaction
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